Transpacifik

Alors que la plupart des jeunes pianistes se positionnent d’emblée sur le créneau surpeuplé du trio avec basse et batterie, Bojan Z aura attendu longtemps avant de se lancer dans cette aventure, explorant auparavant diverses configurations – dont le solo absolu dans l’excellent Solobsession, son précédent enregistrement. Bien lui en a pris car le présent trio est d’une originalité et d’un niveau musical remarquables. Bojan y alterne par endroits sur le même morceau le clavier acoustique et le Rhodes, donnant à son jeu une couleur inédite, il nous régale bien évidemment de ces mélodies et de ces rythmes balkaniques dont il est un grand spécialiste, mais sans en abuser car son inspiration musicale dépasse les limites de ses origines ethniques. Pour preuve, il est allé enregistrer à New York avec une rythmique du cru, et pas n’importe laquelle : Scott Colley et Nasheet Waits, à peu près ce qui se fait de mieux de l’autre côté de l’océan. Un autre signe ? Il reprend le superbe et méconnu "Angelica" d’Ellington, que le Duke enregistra avec Coltrane. Une manière sans doute, pour Bojan Z, de nous donner une des clés de ce toucher rugueux et de ce phrasé capricant font le charme de son jeu : ce même Duke n’a-t-il pas gravé jadis à New York avec un certain Charles Mingus et un certain Max Roach un chef-d’œuvre intitulé "Money Jungle", modèle de trio auquel les jeunes générations ne se réfèrent pas assez ? --Thierry Quénum