Mélanine

Conjonction de trois fortes individualités, Thiefs pratique un jazz d'anticipation qui décoiffe. À la section rythmique, le contrebassiste Keith Witty et le batteur Guillermo E. Brown se connaissent depuis vingt ans, quand ils fréquentaient la même université et dévoraient les disques de prestigieux aînés, avant de faire équipe derrière David S. Ware et autres pointures ou au sein des Beat Kids et de Pegasus Warning. Le saxophoniste Christophe Panzani, lui, a mûri son art dans le big band de Carla Bley et apporté la caution savante au collectif electro Hocus Pocus.

Le résultat de cette rencontre en forme de fusion ne pouvait être que détonnante. Et c'est ce qu'il advient tout au long de cet album de jazz libertaire, enregistré en trois endroits new-yorkais, de Harlem à la Jazz Gallery en passant par le Chiller Sound Studio, avec quelques amis de passage, l'accordéoniste Vincent Peirani sur « Sans titre (Huile sur toile) » et la claviériste Shoko Nagai sur le poème nocturne « Olive Island ».

Intégralement composé de matériel original, de la magnifique improvisation saccadée « Doute(s) », faisant remonter par effluves un jazz progressif des années 1970, sans les longueurs, au final « Play Me At Night », l'album de Thiefs s'avère irrésistible de par la cohésion du trio et les interventions mesurées et toujours pertinentes de séquences électroniques qui jamais n'envahissent le discours musical de la formation. Une belle surprise qui dure à la réécoute.

Loïc Picaud - Copyright 2014 Music Story