
Origine
Aldo Romano
Francis Dreyfus Music 2010
En quelques mots
Un grand groupe. Restons mesuré, et appelons cela, en fait, un sacré super groupe : si les présences de Lionel (saxophones) et Stéphane (trompette) Belmondo, ou du pianiste Eric Legnini, ne suffisaient pas, on pourrait compléter en signalant l’invitation faite à Géraldine Laurent (l’une des plus brillantes saxophonistes ténors de la jeune scène hexagonale). Et les esprits chagrins seraient contraints de baisser définitivement les armes devant le texte (mise en paroles, et images, de la partition de « Jazz Messengers ») concocté, avec tout l’amour du monde pour la musique de jazz, par Yves Simon : « Le ciel nous oubliera/Il nous emportera/Dans le ciel d’Holiday/Billie, Night and Day ». Romano, qui y laisse alors choir ses baguettes pour une simple guitare acoustique, et un chant voilé, qu’on a, dans un passé récent, eu l’occasion d’apprécier en grand format, décolle délicatement les étiquettes : ce n’est plus du jazz, c’est de la belle ouvrage, tout simplement.
Or donc, Origine est peut-être, à l’origine, un hommage aux thèmes (treize au total) – à l’univers, plutôt – du batteur Aldo Romano, qui rassemble ici des amis et des virtuoses, qui sont les mêmes, ce qui tombe vraiment bien. Mais ceux qui y suspecteraient un exercice compassé, ou, pis, une fête autiste entre amis, peuvent passer leur chemin. En fait, Origine est un beau cadeau de création, et qu’est-ce que une création mélodique, si ce n’est la capacité offerte à la musique d’inventer des mondes de luxuriance, et de curiosité ? C’est exactement de cette manière que débute l’album, avec ce « Silenzio » jadis chanté par Romano, et qui retrouve ici, en version instrumentale, toute la plénitude de son thème en apesanteur.
Puis, le jazzman et ses compères revisitent des partitions qui constituent, dans leur intitulé même, des invitations à l’évocation : « Pasolini » (illuminé d’un sublime chorus solaire de Stéphane Belmondo), « Gamelan » (en hommage au gong balinais, mais qui déroule plutôt ses volutes sur les trottoirs de Harlem), « Elis » (Regina, immense dame de la chanson brésilienne), ou « For Michel » (honneur fait, tout en recueillement, à Petrucciani, le pianiste vorace et généreux) sont autant de portes ouvertes sur l’imaginaire, où jamais les musiciens, complémentaires et en empathie, ne se cherchent en vain.
En fil conducteur, le très tendre thème de « Il Camino », décliné en trois variations (flûtes, guitare acoustique, ou formation innervée et au grand complet, même si l’on apprécie que très modérément le shunt anticipé, alors qu’on en redemande) démontre à satiété ce que musique toujours identique, et jamais pareille, signifie. Un grand disque.
Christian Larrède - Copyright 2014 Music Story
Titres
- Silenzio
- Pasolini
- Il Camino, Pt. 1
- Il Camino, Pt. 2
- Gamelan
- Touch of a Woman
- Elis
- Celestina
- Dreams and Waters
- Starless Night
- For Michel
- Il Camino, Pt. 3
- Jazz Messengers
Line up
Stephane Belmondo
Lionel Belmondo
Aldo Romano
Eric Legnini
Thomas Bramerie